Un chasseur de Loup condamné

Le 10/12/2024 se tenait devant le tribunal correctionnel de Grenoble une audience relative à la destruction d’un loup.

Enfin, pour ce qui nous concerne, je devrais dire « hier soir » puisque je suis passée en dernier (C’était le jour des confrères extérieurs, tous plus lointains que moi – en même temps, ça m’a permis de suivre les débats d’un dossier super intéressant, relatif à une petite clique de marseillais poursuivis pour escroquerie « en bande organisée« ) et que nous sommes sortis d’audience vers 21h45.

Cette fois, un prévenu au profil un peu particulier, point que j’ai estimé utile d’intégrer à ma plaidoirie.

Alors qu’habituellement, dans ce type de dossiers, nous avons affaire à des éleveurs, frère d’éleveur, cousin d’éleveur, amis d’éleveur, solidaire avec les éleveurs… là, nous avions affaire à un prévenu sans aucun lien avec l’élevage.

Ce jeune homme de 35 ans (pas désagréable – J’ai échangé quelques mots avec lui en début d’audience), qui chasse depuis l’âge de 16 ans, c’est juste un toqué de la gâchette.

Son plaisir ?

Photographier un animal vivant, le traquer (encore que l’on peut se demander si la traque est très longue dans la mesure où il se ballade en permanence avec un flingue dans son sac à dos…), le tuer, le photographier mort dans une mise en scène impliquant l’arme l’ayant tiré et…de poster tout ça (animal vivant puis mort) sur les réseaux sociaux.

Donc deux motivations pour notre prévenu : la prédation et l’égo.

Sauf que j’ai rappelé à la barre que pour être un prédateur, il faut du courage, ce qui n’est pas le cas du prévenu qui n’a pas même eu celui, le plus élémentaire, de reconnaître une partie des faits, à savoir la destruction d’un loup.

Les faits…

Pas où commencer ?

Premier signalement de braconnage en 2020.
Peu d’éléments.

2022, les choses s’accélèrent en consultant sa page FB.
Il y poste de photos de chevreuils à bois de velours, abattus. Or, leur chasse est interdite à cette période de l’année.
Idem pour un blaireau qui, au surplus, n’est pas classé nuisible sur le département (Ben, il savait pas ; tant pis pour le blaireau).

Après avoir tué les animaux, Monsieur en fait des trophées ou des massacres (le massacre, c’est quand il y a juste le crâne et les bois de l’animal sur une base en bois – la déco qui s’intègre parfaitement à tous les intérieurs ) et, bien sûr, il en publié les photos sur les réseaux sociaux.

Les enquêteurs découvrent sur cette page FB magique la photo d’un massacre de bouquetin, espèce protégée.

Sur d’autres photos, les armes posées sur les animaux morts ne sont pas des armes autorisées pour la chasse.

Il est également découvert que le gars se prévaut d’un agrément de garde chasse particulier sur le domaine de son père, agrément obtenu sur la base de fausses déclarations selon lesquelles son père serait président de l’ACCA locale, ce qui est faux.

Donc on viole la loi et on ne respecte même pas les copains qui se voient privés de leur droit de buter des animaux sur le territoire concerné…

Perquisition.

BIM ! Carton plein.

Les enqueteurs trouvent de nombreuses armes, déclarées et non déclarées retrait.

Et là, au milieu des trophées et massacres d’ongulés, …une tête de loup naturalisée .
En exploitant les disques durs des PC du mis en cause, on retrouve des images de ce loup, entier, photographié avec une arme sur le corps. La mise en scène classique de l’album photo du prévenu…
Il expliquera avoir trouvé le loup en bord de route sans doute (ben, si, quand même, y a un petit doute, là…) tapé par une voiture.

Donc il n’aurait rien dit à personne et aurait emporté la dépouille « parce qu’il voulait une tête de loup« . (Capricieux, en plus…)

Là, il contacte son copain taxidermiste qui refusera de naturaliser la tête et ne fera finalement que guider la réalisation de la « prestation » par le chasseur lui-même, déjà formé par le maître (Son avocat a dit à l’audience qu’il traînait chez le taxidermiste depuis l’âge de 5 ans….).

Sauf que ce tuto en direct a conduit le taxidermiste sur le banc des prévenus, pour complicité de naturalisation d’un animal d’espèce protégée.

Le chasseur, lui, était poursuivi pour 6 infractions au total : chasse avec armes prohibées, en période prohibée, dans un lieu non autorisé, destruction du loup, transport du loup, naturalisation de la tête du loup.

Le tribunal correctionnel siégeait en sa formation collégiale, ledit collège étant composé de trois magistrates.
Le Ministère Public était représenté par un procureur fort sympathique, déjà croisé dans d’autres dossiers.

Sur le banc des parties civiles, une seule association : Le Klan du Loup (que je cite avec l’accord de son président), représentée par mézigue.

Aucune association de protection de l’environnement ( ce qui a fait économiser au prévenu la réparation d’un préjudice écologique…).

Aucune trace non plus de l’ACCA laisée ou de la fédération locale de chasse qui aurait pourtant été la bienvenue à montrer à tous qu’elle ne cautionnait pas la chasse « à la Giscard » pratiquée par celui qui s’est présenté à la Barre du Tribunal …en treillis…

Ce point vestimentaire, pour moi, était important.
Je l’ai d’ailleurs relevé pendant ma plaidoirie…
Que le gars passe son temps à se balader en treillis avec son appareil photo à la main (et son flingue dans le sac), OK, on en connait d’autres (sans le flingue) , mais qu’il se pointe à l’audience dans la tenue qui illustre l’activité via laquelle il a commis les infractions, perso, j’ai trouvé ça dérangeant…
Du coup, on a un peu parlé chiffons…

Le taxidermiste était aussi présent hier, dans ses petits souliers.

Tous deux étaient assistés par un conseil unique.

A la Barre, le taxidermiste a reconnu avoir guidé le chasseur dans la naturalisation de la tête du loup, tout en précisant qu’il n’avait perçu aucun argent pour ce faire.

Comme j’en ai convenu lors de ma plaidoirie, c’est son affection pour le jeune homme qui l’a conduit à s’impliquer. Je lui ai donc rappelé que lorsque l’on a de l’affection pour quelqu’un, on fait en sorte de lui éviter les problèmes ; on ne se plonge pas avec lui dans la panade.
Le gars, retraité, semblait réellement regretter sa décision. Il n’y avait à mon sens pas lieu de l’accabler davantage.

Le chasseur, lui, alors que la Présidente l’a mis plusieurs fois face aux incohérences de ses déclarations, a maintenu sa version des faits, ne convainquant personne.

Le procureur après avoir évoqué l » »extrême gravité » des faits, a requis 1 an d’emprisonnement avec sursis mais surtout 5 ans de retrait de permis de chasse, 5 ans d’interdiction de port d’arme et la publication du jugement à intervenir dans le Dauphiné et dans une revue de chasse.

Il a également requis la confiscation de scellés n’ayant pas déjà été attribués (La tête de loup est désormais au museum de Grenoble).

Mon Confrère de la défense nous a parlé de Pagnol, de La gloire de mon père, pour expliquer que tous les chasseurs ont un ego qui les conduit à poster des photos de leurs prises (Oui, mais le gars il n’était pas poursuivi pour le faire d’avoir posté des photos…). Son client ayant reconnu toutes les infractions sauf la destruction du loup, il n’a bien sûr pas plaidé la relaxe mais demandé l’indulgence du Tribunal.

Après en avoir délibéré, les magistrates ont déclaré les deux prévenus coupables.

Le taxidermiste retraité eccope d’une amende de 2000€ avec sursis.

Quant au chasseur, il est condamné à 8 mois d’emprisonnement avec sursis (Alors, on ne commence pas à râler ; sursis = 5 ans de tranquillité et c’est ça qui protège vraiment les animaux) et 2 ans sans chasse ni port d’arme (l’occasion de se concentrer sur son activité photographique puisque son avocat nous a expliqué que c’était sa passion…).

La confiscation des scellés a également été prononcée.

S’agissant de la publication du jugement, elle devra intervenir deux fois dans le Dauphiné. Je trouve regrettable que le Tribunal n’ait pas suivi la réquisition du procureur visant à une publication dans une revue de chasse. Cela n’aurait pas pu nuire…

Pour lire la suite du compte-rendu d’audience écrit par Me Olivia Symniacos, cliquez ici

L’association Le Klan du Loup remercie Maître Olivia Symniacos d’avoir, une nouvelle fois, défendu avec succès les intérêts du Loup.

Le Klan du Loup remercie également ses adhérentes et adhérents ainsi que les donatrices et donateurs sans qui nous ne pourrions faire appel aux (bons) services du Cabinet d’avocats ANIMALEX (et oui, les avocats ont le droit d’être rémunérés).

Merci également aux Citoyennes et Citoyens qui, inlassablement traquent, sur le terrain et/ou sur les réseaux sociaux, les braconniers de Loup. Un clin d’œil particulier à Emoji pour cette affaire.

Merci aux gendarmes et aux agents de l’OFB qui ont mené rondement cette enquête. Nous aimerions que ce soit plus souvent le cas.

Et enfin, un très grand merci aux fédérations de chasse et leur permis à 1 euro : cela nous a été l’occasion de faire entrer un certain nombre de défenseurs des animaux dans les structures de chasse !
D’autres affaires pourraient bien sortir d’ici quelques temps…

Concernant le jugement, le Tribunal de Grenoble n’a pas la réputation d’être le plus sévère lorsqu’il s’agit du dossier Loup.

Certes, nous aurions aimé qu’une interdiction définitive de chasser fut prononcée.
Certes, nous aurions apprécié que la condamnation fut publiée dans tous les magazines de chaSSe.

Mais, concernant la défense de la cause animale en générale, et celle du Loup en particulier, la Justice progresse (à son rythme), y compris à Grenoble.

Le Klan du Loup a un message pour les chaSSeurs de Loup : nous vous traquerons sans relâche et nous vous ferons condamner, pour que Vive le Loup !

Nos actions en justice ne sont possible que par vos adhésions et vos dons car, oui, il normal de rémunérer un avocat. De plus, notre association est une véritable ONG. Nous ne percevons aucune subvention contrairement aux industriels ovins.