Dans le dossier du jour [15/02/2021] (voir post précédent pour rappel rappelant lui même les deux publications du 8 décembre dernier dont la seconde rappelait la première ; pfff… trop de rappels tuent le rappel… ), l’audience a duré 3 heures.
Les pétards qui éclataient depuis midi se sont enfin tus à 13h30, début de l’audience, après qu’il ait été demandé aux gendarmes présents en nombre sur le parvis de faire cesser ce tapage on ne peut plus anxiogène, afin nous permettre de travailler sereinement.
A la barre, le prévenu, qui n’a cessé de rappeler qu’il était le président du département, a indiqué ne pas avoir su que la queue était celle d’un loup lorsqu’elle est miraculeusement apparue sur sa boite aux lettres, à quelques jours de la cérémonie de départ de la préfète à laquelle il l’a offerte.
Quel cadeau opportun fait au moment opportun à une personne qui ne cesse de clamer sa haine du loup et la nécessité de l’éradiquer…
Les parties civiles pouvant poser des questions au prévenu, j’ai indiqué que le mode de « livraison » en lui-même pouvait lui laisser penser qu’il s’agissait bien de la queue d’un loup avant de questionner le prévenu quant au caractère habituel de cadeaux sur sa boite aux lettres du type bois de cerf, queue de blaireau, défenses de sanglier… . « Pas habituel du tout » . Exactement la réponse que j’espérais…?
Il [Jean-Marie BERNARD] a ensuite expliqué qu’offrir cette queue à la préfète était drôle (si, si) et que c’était juste un symbole qui, sur l’instant, n’avait choqué personne.
Pendant que le prévenu était à la barre, pas un bruit dehors.
Etrangement, le tapage a repris (mais pas les pétards ; les gendarmes sont efficaces) dès lors que cela a été le tour des victimes de s’exprimer. ?
Les parties civiles étaient sept.
Six d’entres elles étaient présentes ou représentées.
Nous étions trois avocats.
Nous avons dû un peu improviser puisque notre Confrère adverse nous a remis ses conclusions et pièces en début d’audience (comme il en avait tout à fait le droit).
Nos arguments ont été assez complémentaires et la Présidente (le dossier relevait de la compétence du juge unique) nous a prêté une oreille attentive, prenant de nombreuses notes.
Puis, le Procureur a fait son réquisitoire.
Un long réquisitoire (environ 30 minutes), parfaitement structuré et argumenté.
Un pur bonheur.
Il a requis 2 mois d’emprisonnement avec sursis pour éviter toute récidive et 3500 euros d’amende.
Le Conseil du prévenu a plaidé longuement (environ 45 minutes).
Il a commencé par brandir des photographies (J’avais l’impression d’être dans Ally Mac Beal) : l’une d’un loup magnifique (que j’aurais bien récupérée en fin d’audience mais bon…) en expliquant que c’était ainsi que les parties civiles (?️☝️) présentaient le loup et l’autre, d’une brebis éventrée, indiquant que c’était là l’oeuvre du loup.
Il a ensuite indiqué que, contrairement à ce que les parties civiles (?️☝️) prônent, il n’est pas possible d’avoir d’échanges raisonnables au sujet du loup… parce que le loup n’est pas raisonnable…
Il a ensuite enchaîné les arguments.
En substance :
- son client a agi dans l’exercice de ses fonctions ; d’ailleurs le Conseil Général a voté la prise en charge de ses frais de justice… (Le contribuable non hostile au loup appréciera sans doute)
- son client ne savait pas qu’il s’agissait d’une queue de loup (bis repetita)
- liberté d’expression
- acte politique
- acte symbolique qui n’a choqué personne le jour J (bis repetita aussi)
- contestation de l’absence de mise en cause de la préfète qui a accepté la queue et a donc commis les mêmes infractions que le prévenu ( Il l’a d’ailleurs faite citer comme témoin mais elle a obtenu une dispense, compte tenu du fait qu’elle a quand même pas mal de choses à gérer actuellement du côté de Mont-de-Marsan…)
- et enfin, contestation de l’ensemble des constitutions de parties civiles (à l’exception de celle de la LPO) sur des questions de qualité à agir et de pouvoirs.
Il a plaidé la relaxe et, à titre subsidiaire, la dispense de peine.
Appelé à la barre en dernier, le prévenu a pleuré (si, si, bis) expliquant entendre tous les jours des éleveurs dans la détresse ; il a évoqué la situation financière et familiale difficile de certains d’entre eux, le suicide d’autres, avant de conclure, toujours en pleurant, qu’il préférait être poursuivi, lui, plutôt que ce soit un éleveur qui aurait tiré sur le loup pour se défendre (sachant que dans ce type de circonstances, si elles sont avérées, cet éleveur hypothétique n’aurait pas été poursuivi…)
Le dossier a été mis en délibéré au 12 mars prochain. ?
Bien entendu, à la sortie, après avoir répondu aux médias présents, le prévenu a été acclamé par ses soutiens tandis que quelqu’un, dont je suppose que c’était l’un de mes Confrères, sorti sur le parvis en robe (mauvaise idée…), se faisait insulter par 2-3 excités au langage fleuri.
Je me suis retirée discrètement après avoir vu un soutien du prévenu aller chercher une boite d’œufs…
Certains magazines disent que c’est très bon pour les cheveux mais dans la mesure où je vais dormir dans un train de nuit, sans possibilité de prendre une douche, avec seulement des lingettes pour faire ma toilette (misèèèère…), j’ai préféré éviter le masque capillaire.
Texte de Maître Olivia Symniacos, publié avec son aimable autorisation.
Maître Olivia Symniacos défendait les intérêts de Canis lupus italicus et de l’association Le Klan du Loup lors de la comparution de Jean-Marie BERNARD au Tribunal Correctionnel de Gap (Hautes-Alpes, 05).
Il est à noter qu’il s’agit d’une queue de louve (et non de loup) que le président du Conseil Départemental du 05 a offerte à la préfète. Cette louve a probablement été braconnée. La « fine équipe du Champsaur » semble en savoir beaucoup sur ce sujet…
Me Symniacos officie dans le Cabinet d’avocats ANIMALEX qui a la particularité d’être mono-thématique et consacré à la Cause Animale.
Le Klan du Loup