Photographie d'une statue représentant la Justice, avec les yeux bandés, le glaive et la balance.

Loup empoisonné : audience devant le tribunal correctionnel de Valence

Il aura fallu plus de 6 heures d’audience hier pour évoquer devant le tribunal correctionnel de Valence le cas d’un loup empoisonné puis enterré par des éleveurs.

Il y avait foule.

Le genre d’audience que j’adore …: 4 prévenus, 13 parties civiles, 9 avocats au total, la presse écrite, la télé et, évidemment, de nombreux éleveurs venus en soutiens aux prévenus.
Tous n’ont d’ailleurs pas pu entrer dans la salle, faute de place.

Pour ma part, je représentais l’association Le Klan du Loup qui m’a, une fois de plus, fait confiance pour plaider la cause du loup, qu’elle défend depuis plus de 25 ans maintenant.

Ils étaient quatre, dont trois membres d’une même famille, à être poursuivis pour la destruction de ce loup ou pour des faits de complicité ou tentative d’empoisonnement.
Tous étaient présents et assistés d’avocats.

Un cinquième prévenu était cité pour détention d’un produit phytosanitaire dont l’utilisation est interdite depuis 2008.
C’est lui qui était le fournisseur officiel de l’auteur de l’empoisonnement.
Lui, un monsieur de plus de 80 ans en route pour la curatelle, était absent car hospitalisé mais il partageait l’avocat de l’un des prévenus.
Sa citation a changé la donne en ce qu’elle a impliqué un tribunal collégial et non à juge unique (La formation du tribunal dépend de la nature des infractions).

Nous avons donc plaidé ce dossier devant un président et deux assesseuses d’âges éloignés.
Le Ministère Public, quant à lui était représenté par une femme.

Le prévenu « central », un jeune homme assez insignifiant, l’air tout gentil et tout perdu, comparaissait depuis le box des détenus, purgeant actuellement une peine de 4 ans d’emprisonnement pour … tentative d’homicide (Ça casse un peu le côté « fragile » des petits yeux bleus et du front plissé d’incompréhension…).

Lui a avoué.

En même temps, il aurait eu du mal à faire autrement, face au rendu des écoutes téléphoniques – ordonnées dans le cadre de l’instruction sur la tentative d’homicide – sur lesquelles on l’entend se vanter des faits, notamment auprès des autres prévenus et qui ont permis de déterminer le rôle de chacun dans la dissimulation de la dépouille lupine, mais aussi de mettre en lumière ce qui semble être une pratique locale habituelle et surtout une intention de poursuivre l’action  » faut qu’on continue chacun de notre côté », mais en étant plus discrets…

Mais revenons en aux faits et rien qu’aux faits :

En mars 2022, le cadavre d’un jeune loup était découvert par des randonneurs.

Au lieu de prévenir les autorités, on a avisé l’oncle du prévenu principal, propriétaire du terrain, qui s’est empressé d’envoyer son fils récupérer la dépouille qu’ils ont pris soin d’enterrer par 5 mètres de fond après l’avoir enfermé dans un vieux congélateur (Heu…les gars, c’était un loup pas garou ; une fois mort, pas de risque qu’il reviennent d’outre tombe…).

L’histoire aurait pu s’arrêter là, comme c’est malheureusement souvent le cas dans les affaires de braconnage du loup.

Les écoutes évoquées ci-dessus ayant permis d’identifier la petite clique (Rooooh là là, mes confrères de la défense n’ont pas apprécié que j’utilise ce terme…), une enquête a été ouverte.

Outre le rôle respectif des membres de cette… jolie petite famille solidaire, elle a mis en lumière l’implication d’une femme, éleveuse d’ovins, mais aussi de chiens, et par ailleurs première adjointe du maire du village…

Elle n’a non seulement pas signalé les faits mais elle a félicité l’auteur des faits et c’est elle qui a encouragé à la poursuite de l’action.

Madame contestait son implication et les tentatives d’empoisonnement qui semblent pourtant clairement ressortir de ses paroles « Faut qu’ON continue, chacun de notre côté » « Faut qu’ON soit prudents parce qu’ON risque de nous suspecter« .

Rassurante, elle a même indiqué à ses camarades que s’il y avait « quelque chose » (une enquête), elle le saurait (de par son mandat à la Mairie).

Selon elle, le « ON » évoquait « les éleveurs du coin, dont elle fait partie » mais ne signifie pas qu’elle cuisine elle aussi le gigot en sauce bleue .

Et puis de toute façons, elle ne pourrait jamais « faire ça » parce qu' »elle aime les animaux » . C’est à ce moment qu’elle a eu la mauvaise idée d’évoquer ses chiens.
Chiens qui, sur les photos prises lors de la perquisition de son élevage, sont enfermés dans des clapiers à lapins – selon elle à la demande des forces de l’ordre (donc les clapiers et autres cages minuscules étaient là pourquoi ?).

Le prévenu principal, lui, a au moins eu le mérite de reconnaître les faits à la Barre comme il l’avait fait lors de son audition qui l’avait conduit à confirmer que son cousin et Madame l’élue pratiquaient aussi le semis de viande empoisonnée sur leurs terrains respectifs, ce que tous deux nient.

Le tonton « tractopelleur », lui, poursuivi pour transport illégal d’un animal d’espèce protégée a reconnu l’enfouissement de la dépouille mais son avocat estime que l’infraction n’est pas caractérisé puisque, le transport ne portait pas atteinte à l’espèce dans la mesure où il n’y était pas procédé dans un but de vente.

Booooooooiiiiiing ! Ce n’est pas l’esprit du texte, ni ce que dit la jurisprudence que l’une de mes consœurs et Madame le Procureur ont d’ailleurs rappelée.

Parmi les parties civiles, des associations à l’action locale, régionales et nationales, pour un total de demandes supérieur à 100000 euros au total.

Nous avons plaidé dans cet ordre : du plus proche au plus « lointain ».

Le président avait demandé des plaidoiries courtes, ce que nous avons pu respecter par des discours complémentaires entre eux.

Pour ma part, j’ai laissé mes confrères représentant les associations à but environnemental évoquer le cadre législatif, réglementaire et historique pour me concentrer sur le dossier et faire part au Tribunal de mon inquiétude face aux membres de ce que j’ai qualifié de « petite mafia«  (Les confrères de la défense n’ont paaaaas aaaaiiiiiimééééé – selon eux, j’aurais dû parler de solidarité…) qui œuvre tranquillement contre le loup, au vu et au su de tous, qui s’encouragent, se congratulent, qui s’organisent, qui se couvrent.

Je vous ai parlé du mandat électif de Madame, mais… l’empoisonneur est aussi élu municipal…
Y a vraiment des villages qui donnent envie de s’y installer, hein?!

Et vous savez quoi ? Il avait même infiltré l’OFB et il était « référent loup », avec l’objectif suivant, clairement annoncé à son cousin : « Braco ! Braco ! Braco !« , déclaration dont j’ai indiqué qu’elle résumait à mon sens tout le dossier…

J’ai appelé l’attention du tribunal sur le fait que les atteintes au loup sont de plus en plus nombreuses, rappelant que désormais certains syndicats agricoles offraient même des primes au braconnage

J’ai aussi évoqué le nombre d’éleveurs présents en soutien au clan des prévenus (Le mot « clan », qui n’a pourtant rien de péjoratif, a une fois de plus froissé la défense, décidément très sur la défensive…), et qui considèrent clairement les faits comme légitimes (Nous avons poireauté un moment devant la salle, serrés comme des sardines en boite ; j’ai donc pu profiter de certaines conversations) pour tenter de convaincre le tribunal de la nécessité de publier le jugement à venir.

J’ai aussi renvoyé le tribunal aux photos de l’élevage de chiens de « Madame » pour évaluer l’amour des animaux dont elle se prévaut pour nier toute tentative d’empoisonnement de loups…

L’élevage canin n’était pas le sujet du jour mais il me paraissait important de le mentionner, comme l’a également fait l’une de mes consœurs relativement aux revenus déclarés qui ne semblaient pas inclure cette activité…

Madame le Procureur m’a parue juste dans ses réquisitions, sollicitant la relaxe des prévenus sur certaines infractions effectivement non caractérisées (sans doute un problème de copier-coller au moment de la rédaction des citations).

Se concentrant sur les autres faits, soulignant leur gravité, elle a sollicité des peines principales d’emprisonnement :

  • 8 mois fermes pour notre référent loup de l’année 2022,
  • 6 mois avec sursis pour les trois autres.

Elle n’a pas requis la publication du jugement (ce qui n’empêche pas le Tribunal de la prononcer, s’il le souhaite) mais des peines complémentaires d’interdiction d’obtenir un permis de chasse et de détenir une arme pendant 5 ans pour « Braco ! Braco ! Braco ! » et 3 ans pour les autres.

Pour le papi dealer de petites billes bleues, une amende de 1000 euros dont 500 avec sursis .

Il était plus de 21 heures quand les avocats de la défense ont pris la parole.
J’avoue que mon degré d’attention était un peu affecté par la fatigue et par la faim.

Les vociférations de l’avocat de l’oncle et du cousin, positionné derrière mon oreille gauche, m’ont été assez pénibles mais ne m’ont pas convaincue de l’efficacité de ses arguments, déjà évoqués plus haut.

La consœur qui assistait Madame l’adjointe au Maire, a longuement plaidé d’une parole très rapide, régulièrement ponctuée de « Je ne comprends pas » et de « Ce n’est pas ça la justice« .

Quand à la défense du prévenu principal, elle a misé sur le [cliquez ici pour lire la suite]

Copie d'écran du site internet d'Animalex Avocat, représentant Maître Olivia Symniacos à côté d'une vache.
Maître Olivia Symniacos (capture d’écran du site ANIMALEX)

L’association Le Klan du Loup remercie Me Olivia Symniacos, du Cabinet Animalex Avocats pour avoir défendu avec force et conviction les intérêts du Loup et du KDL.

Le Klan du Loup a confiance en la Justice et attend que celle-ci prononce des peines exemplaires et dissuasives.
Les tueurs de Loups doivent savoir qu’ils nous auront toujours en face eux !

La décision du tribunal sera rendu le 24 octobre 2024. Nous vous tiendrons au courant.

Nos actions en justice ne sont possible que par vos adhésions et vos dons car, oui, il normal de rénumérer un avocat. De plus, notre association est une véritable ONG. Nous ne percevons aucune subvention contrairement aux industriels ovins.

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