Aperçu près de Rians, il pourrait s’établir, selon certains spécialistes, au pied de Sainte-Victoire d’ici cinq à dix ans.
Il arrive, discret. A pas de loup… forcément. Canis lupus ne court pas vite, mais il a de l’endurance. Et peu à peu, il étend son territoire, mordillant les espaces vierges, à la faveur du retrait des hommes de la campagne et du retour du gibier. Provenant de l’est, les meutes ont grossi ces dix dernières années, et progressent désormais – tranquillement – vers les Bouches-du-Rhône.
Cet hiver, des traces de son passage ont été relevées près de Rians, une commune du Var frontalière du pays d’Aix. Des bergers maugréent : le loup aurait déjà attaqué des troupeaux dans le secteur. Plus au sud, un individu s’est établi dans le massif de la Sainte-Baume.
Bref, selon des spécialistes, l’animal sera bientôt présent dans les collines et les forêts du pays d’Aix… Gilles Cheylan, conservateur au muséum d’histoire naturelle d’Aix, n’y va pas par quatre chemins : « Dans 5 à 10 ans, le loup devrait être présent au pied de Sainte-Victoire« . L’animal vit en meute, qui compte au moins le mâle, la femelle et des louveteaux. Certains jeunes mâles, une fois plus âgés, s’éloignent et fondent parfois d’autres « familles », plus loin.
« Une meute vit sur une zone d’environ 10 000 hectares. Sachant que la superficie du Grand Site est de 30 000 hectares, il y a de la place« , rappelle le conservateur. Autre facteur favorisant l’arrivée du prédateur : la réapparition du grand gibier, notamment les chevreuils. Et même s’il ne s’y attaque pas souvent, le loup ne dédaigne pas croquer un peu de sanglier, qui pullule dans les campagnes.
Alors, bientôt près d’Aix ? Tous les observateurs ne sont pas aussi affirmatifs. Philippe Maigne, directeur du Grand Site Sainte-Victoire, est prudent : « Je ne me prononce ni dans un sens, ni dans l’autre… Car il faut bien différencier les loups erratiques, qui peuvent bien entendu traverser nos territoires, et l’installation à demeure d’une meute« .
Exterminé dans le département en 1895
Même posture du côté de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) : Yannick Léonard confirme la présence du loup à Rians et sur la Sainte-Baume, mais ne s’engage pas sur la colonisation prochaine des Bouches-du-Rhône : « Il y a des paramètres que l’on ne maîtrise pas« . Reste que la progression de l’animal, à long terme, semble inéluctable.
Espèce protégée, le loup ne peut être abattu que dans certaines circonstances – même si le braconnage aurait, dans tout l’hexagone, déjà détruit plusieurs dizaines d’individus en une décennie. Mais le facteur de mortalité le plus fréquent demeure, à ce jour, les collisions routières. « Le loup a été exterminé en France dans les années 30, raconte Gilles Cheylan. Chassé, il s’est éteint aussi parce qu’il n’avait plus rien à manger« .
La disparition de Canis lupus des Bouches-du-Rhône, elle, remonte à encore plus loin, en 1895, lorsque les deux derniers spécimens furent abattus « officiellement » à Marseille et… à Saint-Marc Jaumegarde, à l’ombre de Sainte-Victoire. Récemment, l’animal a fait sa réapparition en France, de façon tout à fait naturelle : contrairement au lynx et à l’ours, réintroduits par l’homme, le loup a simplement traversé les Alpes au début des années 90 – la « population » italienne est estimée à un millier d’individus – et trottine désormais dans l’hexagone, y compris au-delà du Rhône.
180 d’entre eux s’y seraient établis. De quoi flanquer la frousse aux petits chaperons rouges de Sainte-Victoire ? Pas de panique. A la question : « le loup est-il dangereux pour l’homme ? », Gilles Cheylan répond par une anecdote : « Une chronique du XVIIIe s. raconte qu’un fermier avait voulu piéger un loup en creusant une fosse près de chez lui. Le loup tomba dedans. Mais la petite fille du fermier s’aventura aussi près du trou, et tomba à son tour. Le lendemain, le fermier s’est rendu à la fosse. Il a découvert le loup et sa fille, chacun prostré de son côté. En train d’observer l’autre« .
Source : La Provence
Un article objectif de La Provence, ce qui est plutôt rare pour ce journal qui, par clientélisme, a tendance à caresser les éleveurs ovins et caprins dans le sens du poil (ou de la laine).
Une petite remarque cependant : la progression de notre ami le Loup ne se fait pas « tranquillement ». En effet, Canis lupus italicus rencontre trop fréquemment sur sa route des braconnards ou des exterminationistes fanatiques, du type Grand Charnier. Quant au nombre de 180 loups en France il est, hélas, trop optimiste.
association Le Klan du Loup
Mise à jour le 11 juillet 2022 : A cette date, il n’y a aucune installation de meute sur la montagne Sainte-Victoire.