Des chercheurs ont mené une nouvelle étude sur le loup de l’Himalaya qui vit dans les hautes altitudes du Népal et du Tibet.
Leurs analyses suggèrent que l’animal est génétiquement distinct du loup gris, ce qui ferait de lui une espèce à part entière et non une sous-espèce de ce dernier.
Le loup gris est l’un des animaux les plus étudiés au monde. Pourtant, on est loin de tout savoir à son sujet. C’est ce que confirme une nouvelle étude publiée dans la revue Journal of Biogeography. Les scientifiques reconnaissent à ce jour plus d’une trentaine de sous-espèces de Canis lupus à travers le monde. Et c’est sur l’une d’entre elles que se sont penchés ces travaux : le loup de l’Himalaya.
Comme son nom l’indique, ce canidé évolue dans les hautes altitudes du Népal, de l’Inde et du Tibet et constitue une population relativement réduite. Jusqu’à récemment, il avait ainsi fait l’objet d’assez peu de recherches. À tort. Car le loup himalayen n’est pas un simple loup gris. Selon la nouvelle étude, il montrerait même de telles différences qu’il pourrait être classé comme une espèce à part entière.
Les signes d’une adaptation génétique à l’altitude
Largement réparti dans l’hémisphère nord, le loup gris montre une grande diversité morphologique en fonction des régions. Le loup de l’Himalaya est ainsi généralement plus petit que le loup gris commun (C. lupus lupus). Il possède également une fourrure plus épaisse, un museau plus long et des pattes plus puissantes que ce dernier. Mais ses différences ne se résument pas à une question de morphologie.
Pour le démontrer, des chercheurs ont collecté quelque 280 échantillons d’excréments issus d’individus sauvages vivant à travers le Tibet, le Tadjikistan et le Kyrgyzstan. En menant une vaste analyse génétique, ils ont réussi à en extraire les ADN de 86 loups himalayens qu’ils ont ensuite comparés à ceux de loups gris de Mongolie, d’Europe ainsi qu’à ceux de chiens domestiques.
Leurs résultats ont mis en évidence la présence chez le canidé de l’Himalaya de gènes spécifiques étroitement liés à son environnement des hautes altitudes. Plus exactement, des gènes lui permettant de s’adapter au manque d’oxygène – ou hypoxie -, notamment en renforçant son coeur et en augmentant la quantité d’oxygène délivrée par le sang.
Les comparaisons menées ont permis de constater que ces particularités génétiques ne sont présentes chez aucun loup gris, même ceux vivant dans les monts Qilian en Chine. En revanche, comme les chercheurs l’expliquent dans leur rapport, cette adaptation génétique à l’hypoxie est apparue similaire à celle observée chez le yack et certaines populations tibétaines vivant en altitude.
Du fait des conditions qui y règnent, « vivre là-haut est épuisant et ceci constitue une forte pression évolutive« , a expliqué le Dr Geraldine Werhahn, spécialiste du département de zoologie de l’université d’Oxford qui travaille sur le loup himalayen depuis 2014. En plus des analyses génétiques, son équipe s’est intéressée à l’écologie de l’animal et a, là encore, identifié certaines particularités.
Ils ont constaté que C. himalayensis formait des meutes d’en moyenne cinq individus, soit plus petites que celles des loups gris. Ils ont également observé que l’animal préfère les proies sauvages au bétail, s’attaquant à des mammifères petits ou moyens comme des marmottes, des lièvres ou des caprins appelés bharals. Enfin, son habitat est apparu deux fois plus étendu qu’estimé jusqu’ici.
Suffisamment différent pour devenir une espèce séparée ?
« Maintenant, nous savons que ces loups sont différents en termes de génétique et d’écologie, et nous avons une indication de l’origine potentielle [de leur singularité] : le défi physique évolutif posé par les niveaux faibles d’oxygène dans les hautes altitudes extrêmes« , a résumé dans un communiqué le Dr Werhahn, précisant qu’ils disposaient auparavant de très peu de données sur le sujet.
Pour la spécialiste et ses collègues, ces découvertes apportent de nouveaux arguments pour que le loup de l’Himalaya soit considéré comme une espèce à part entière et non une sous-espèce de loup gris. « Tous les éléments suggèrent qu’il est éligible à un statut d’espèce séparée mais nous avons besoin d’échantillons génétiques de grande qualité, et c’est là la difficulté« , a-t-elle précisé au Guardian.
Ce n’est pas la première fois que des recherches soutiennent la théorie d’une espèce distincte. En 2004, une étude avait déjà suggéré que C. himalayensis forme une lignée qui se serait séparée des autres loups il y a quelque 800.000 ans, ce qui pourrait faire d’elle l’une des plus anciennes lignées de loups. Une conclusion appuyée en 2018 par une autre étude déjà dirigée par le Dr. Werhahn.
Reste à savoir si ces arguments vont suffire à convaincre la communauté scientifique pour valider ce statut. D’autant plus que le loup de l’Himalaya pourrait ne pas être la seule sous-espèce à prétendre à un tel titre, d’après certains chercheurs qui évoquent une distinction similaire pour le loup doré (Canis anthus). Quoi qu’il en soit, la reconnaissance officielle de ce canidé pourrait avoir un impact crucial sur sa protection.
Le loup gris étant classé Préoccupation mineure par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la population de l’Himalaya ne fait l’objet d’aucun effort de conservation. A l’heure actuelle, on ignore ainsi son étendue et sa taille exactes, de même que son statut, alors que les menaces sont loin d’être absentes, selon la nouvelle étude.
Les loups seraient tués en représailles des attaques envers le bétail et pour vendre des parties de leur corps au profit du trafic de faune sauvage. « Difficile de mettre en vigueur de la conservation pour quelque chose qui n’a pas de nom« , a insisté la scientifique. Une classification à l’UICN est « vraiment la base dont nous avons besoin pour obtenir une protection du loup« .
Source : GEO
Le débat scientifique pour savoir si le Loup de l’Himalaya est une espèce à part ou une sous-espèce de Canis lupus est un débat qui dure depuis des années. Cela nous montre que rien n’est figé dans la connaissance du Loup.
L’évolution des méthodes et des outils de recherche scientifique mettent en exergue la suffisance ridicule de ceux qui prétendent tout connaître de Canis lupus.
association Le Klan du Loup