Un phénomène nouveau en France : les loups fantômes
Depuis la nuit des temps, le loup a toujours fait parler de lui. Il fait partie de notre plus longue mémoire.
Certains l’idéalisent (souvent par anthropomorphisme), d’autres en ont peur (des industriels ovins et des chaSSistes ; vieil héritage judéo-chrétien), d’autres encore le voient pour ce qu’il est, c’est à dire un grand prédateur indispensable pour l’équilibre de la biodiversité, d’autres enfin ont compris qu’il y avait beaucoup d’argent à se faire sur son dos. L’industrie agricole et la Presse Quotidienne Régionale (PQR) font partie de la dernière catégorie.
Fin novembre 2021, l’industrie agricole, relayée par une PQR souvent clientéliste, a vu des loups en Charente, aux « portes de Paris », en Gironde, en Haute-Vienne, etc…
Plus c’est gros, plus c’est répété et plus ça passe. Au point de faire du « loup aux 4 coins de France » une vérité alternative, pour reprendre le concept lancé par Trump.
Prenons le cas du « loup » de Haute-Vienne :
Sur une simple photographie (de mauvaise qualité) l’Office Français de la Biodiversité (OFB, qui a remplacé l’ONCFS) a reconnu un « loup gris ». Si l’on en croit le communiqué de presse de la préfecture de la Haute-Vienne, aucune analyse ADN n’est évoquée.
Comment l’OFB peut savoir s’il s’agit d’un loup gris commun d’Europe central (Canis lupus lupus), d’un loup « français » ou de souche italienne (Canis lupus italicus), voire d’un loup de souche espagnole (Canis lupus signatus) ? Mystère…
Comment l’OFB peut savoir qu’il s’agit d’un loup commun (Canis lupus lupus) et non d’un chien lupoïde (Canis lupus familiaris) ? Re-mystère…
Comment l’OFB peut savoir qu’il s’agit d’un « loup gris » et non d’une sous-espèce issue du trafic animalier (important en France) ? Nouveau mystère…
Comment l’OFB peut savoir qu’il s’agit d’un « loup gris » et non d’un hybride issu, lui-aussi, du trafic animalier ? Encore un mystère…
Manifestement, l’OFB possède le pouvoir magique de déchiffrer l’ADN à la vue d’une simple photographie.
Sachant que tous les chiens sont, en taxonomie, des sous-espèces de « loup » et que deux laboratoires en Europe (un en France et un en Allemagne) sont des pros pour distinguer l’ADN d’un chien de celui d’un loup (et encore, il y a des erreurs), la capacité à identifier de manière formelle un loup d’un chien sur la base unique d’une mauvaise photographie relève d’un pouvoir quasi divin…
Vous avez quelques doutes ? Vous avez raison !
Voilà ce qu’écrit France bleu Limousin, le vendredi 3 décembre 2021 :
Le loup est bel et bien arrivé en Haute-Vienne. La préfecture et l’Office Français de la Biodiversité le confirment après avoir vu la photo prise ce 1er décembre à Champagnac-la-Rivière par une automobiliste qui a vu l’animal traverser devant sa voiture avant de faire demi-tour pour photographier ce grand canidé, très probablement un loup gris (canis lupus). Le lendemain, jeudi 2 décembre, c’est à Ladignac-le-Long, commune frontalière de la Dordogne, qu’une présence du loup a été signalée. « Il s’agit vraisemblablement du même animal », précise le communiqué.
Vous remarquerez l’utilisation des termes « très probablement » et « vraisemblablement » qui viennent atténué le titre accrocheur : « Le retour du loup en Haute-Vienne est confirmé« .
Mais alors pourquoi un tel battage autour d’une information qui ne repose sur aucun fait scientifique tangible (ADN) ?
Tout simplement parce que là où il y a le loup, il y a des sous !
Des sous pour la Presse Quotidienne Régionale : le Loup est davantage vendeur que « le marché à la saucisse de Trifouilly-les-Oies ».
Des sous pour l’industrie agricole, sous forme de subventions d’indemnisations, industrie qui nous coute un « pognon de dingue ».
La vice-présidente de la Chambre d’agriculture de la Haute-Vienne ne s’y est d’ailleurs pas trompée lorsqu’elle dit que :
Selon elle on estime à 200.000 euros le budget qu’il faudrait débourser dans chaque exploitation pour protéger les troupeaux.
l’État se doit de protéger nos élevages (source : Le Populaire du Centre)
Nous pouvons donc noter que la Chambre d’agriculture du 87 demande à ce que l’industrie ovine soit une activité relevant de la compétence de l’Etat. Va-t-elle pousser sa logique jusqu’à demander le statut de fonctionnaire pour les industriels ovins, sachant que ceux-ci ne remplissent aucune mission qui soit utile à la nation.
La préfecture, qui est la représentante d’un gouvernement en précampagne électorale pour 2022, a bien compris qu’il ne fallait pas vraiment chercher les origines du canidé et qu’il était beaucoup plus rentable, politiquement parlant, d’ouvrir immédiatement les cordons de la bourse. C’est le business model du loup fantôme de Saône-et-Loire…
A noter que la journaliste de France bleu Limousin a respecté le contradictoire, ce qui est (très) rare dans ce domaine.
« Le Klan du loup » s’insurge contre la réaction des agriculteurs
Du côté des associations de protection de la faune sauvage forcément on est en désaccord avec la réaction des agriculteurs. A l’association « Le klan du loup » son président, le périgourdin Rodolphe Gaziello a du mal à comprendre l’émoi que l’animal provoque dans « l’industrie agricole ». « Là où il y a du loup il y a des sous » et il remarque que si les agriculteurs réclament des tirs de prélèvement ils ne demandent jamais l’extermination totale des loups « Et pour cause si demain la France extermine ses loups, ça veut dire qu’il n’y aura plus d’indemnisations ou de subventions derrière » précise Rodolphe Gaziello qui n’est pas convaincu qu’une photo puisse déterminer qu’il s’agisse bien d’un loup car selon lui seul un prélèvement ADN peut le certifier.
Toutes ces histoires de « loups fantômes » pourraient être risibles, façon roman de Pagnol, si derrière il n’y avait pas :
- des tueurs de loups écumants nos campagnes et nos montagnes (la tristement célèbre Brigade Loup, entre autres)
- une politique d’extermination menée par un gouvernement qui se moque ouvertement de la biodiversité et des Conventions internationales qui la protège
- un gaspillage phénoménal d’argent provenant directement de la poche du contribuable français, au profit d’une petite bande de copains et de coquins.
Enfin, amis lecteurs et lectrices, demandez-vous ce que deviennent les « loups fantômes » des Yvelines, Haute-Vienne, Calvados, Finistère, Loire-Atlantique, Vendée, Deux-Sèvres, Vienne, Saône-et-Loire, Jura, Dordogne (1 Canis lupus italicus a bien été braconné en 2015. Depuis, plus rien), Pyrénées-Atlantiques, Corrèze, Charente-Maritime, Charente, Creuse, Lot et Gers, une fois que le « buzz » est passé (et que le cycle indemnisations/subventions est lancé) ?
Spoiler alert : ils « disparaissent » comme par enchantement…
association Le Klan du Loup
ps : dans un prochain article, nous verrons comment une association se disant pour la nature et l’environnement n’est pas contre les tirs à tuer le loup…